Le CERN révèle sa vraie nature

Le CERN a reçu un label environnemental pour la protection des espèces rares de fleurs et l’entretien naturel des espaces verts du site de Meyrin.


L'ophrys abeille (ophrys apifera) est la plus répandue sur le site.


Cette année, pour la première fois, un plant d’Himantoglossum Robertianum, une espèce très rare dans notre région, a été observé.


L’orchis singe (orchis simia) tient son nom de la forme de son labelle (troisième pétale, celui qui retombe), évoquant la morphologie d’un singe.


L’orchis bouc (himantoglossum hircinum), dont on trouve certaines années quelques plants sur le site, dégage, comme son nom l’indique, une forte odeur.


Yves Chevret et Michel Vauthey entourés de plants d’Orchis pyramidal, une orchidée répandue au CERN.

Il faut avoir l’œil averti pour les repérer. Comparées à vos orchidées de salon, les orchidées sauvages sont discrètes, ne mesurant pas plus de 40 centimètres. Leurs fleurs sont pourtant toute aussi délicates et sophistiquées. Elles s’épanouissent par milliers chaque printemps sur le site de Meyrin du CERN. Cette flore exceptionnelle, et surtout sa protection, viennent de valoir au CERN le label environnemental de la Fondation suisse Nature & Economie. Le label «Nature & Economie» récompense les entreprises qui favorisent la nature et contribuent à la diversité biologique. Au moins 30% des terrains entourant les bâtiments doivent être aménagés de façon naturelle.

À observer les vieux bâtiments du CERN, à l’esthétique très relative, on est loin d’imaginer le site de Meyrin comme un havre pour la nature. Pourtant, disséminés autour de ces bâtiments, les espaces verts occupent 38% des 80 hectares du site. L’équipe chargée des espaces verts, au sein du département des Services généraux (GS/SEM/SM), privilégie depuis des années un entretien naturel, en évitant le recours aux produits phytosanitaires. Les sites du CERN comptent d’ailleurs plusieurs pâturages à moutons, les ovidés assurant tout naturellement la coupe de l’herbe. Un troupeau d’une cinquantaine de têtes est présent sur le site de Meyrin depuis la mi-juin.

Une vingtaine de parcelles sont de surcroît préservées de la tonte au printemps, de manière à laisser pousser la flore, et en particulier les orchidées. Elles sont signalées par les fameux panneaux «Réserve florale naturelle – fauchage tardif». Depuis 1993, ces parcelles se sont multipliées, grâce à la collaboration d’un passionné de la nature (voir ci-dessous). Les orchidées du CERN ont pu être préservées et recensées. Entre 1000 et 4600 plants ont été répertoriés chaque année, appartenant à 19 espèces différentes. En particulier, le CERN possède la plus grande station d’«Ophrys apifera» du canton de Genève, une variété rare, et compte également trois de ses sous-espèces, encore plus rares. Entre 800 et 3000 plants de cette orchidée sont comptabilisés chaque année.

La saison des orchidées touche malheureusement à sa fin, et il vous sera difficile d’en observer encore. Mais l’année prochaine, ne les manquez pas, ralentissez le pas et ouvrez les yeux.

Voir également la page web

http://www.cern.ch/environmental-impact

L’homme aux orchidées

Tirer le portrait de Michel Vauthey n’est pas chose facile tant l’homme est modeste et réservé. Il est plus disert sur la botanique et la nature auxquelles il consacre ses heures de loisir depuis l’enfance. C’est en grande partie grâce à ce paysagiste genevois que le CERN a commencé à protéger sa flore naturelle. En 1993, il se rend sur le site de Meyrin pour observer des orchidées sauvages près du Restaurant nº 2. Les fleurs ont déjà été signalées aux Conservatoire et jardin botaniques de la ville de Genève. Dans le cadre de l’Association genevoise pour la protection de la nature, dont il est membre, Michel Vauthey incite les responsables des espaces verts du CERN à délaisser les tondeuses afin que les orchidées et autres fleurs puissent se reproduire. Dès lors, le paysagiste collabore avec le CERN, en particulier avec Yves Chevret qui s’occupe des espaces verts au sein du département GS. «Il m’a fait découvrir toute une flore que j’ignorais», explique ce dernier. Les panneaux «Réserve florale naturelle - fauchage tardif» fleurissent sur le site de Meyrin, et les orchidées avec! «Nous avons entrepris une collaboration très fructueuse avec le CERN», confirme Michel Vauthey. Chaque année - ou presque -, il se rend à plusieurs reprises sur le site du CERN pour déterminer les parcelles à protéger de la tonte, recenser les variétés et compter tous les plants! Un travail de moine – «un plaisir», rectifie-t-il!- qui l’a mené à compter plus de 34000 fleurs en 13 années. «Je passe une journée et demie pour compter entre 1000 et 2000 plants, identifier les espèces et les sous-espèces», explique-t-il. Michel Vauthey ne se contente pas d’observer la flore du CERN. Durant ses heures de loisirs, il vadrouille sur quelques centaines de sites du canton de Genève, des espaces verts des entreprises aux talus bordant les routes, en passant par les propriétés publiques et privées, pour observer et recenser les espèces rares de fleurs. «Je passe deux heures par jour en moyenne, sans compter mes samedis et parfois mes dimanches», poursuit-il. Ses explorations botaniques du canton le mènent à discuter avec bien des responsables des espaces verts qu’il tente de convertir à l’entretien naturel. Une règle qu’il applique dans son propre travail. Michel Vauthey travaille en effet au département Constructions et technologies de l’information de l’État de Genève comme responsable des zones vertes de… l’autoroute. Même les talus bordant les autoroutes, que délaisseraient bien des amoureux de la nature, sont dignes d’intérêt pour lui.