La matière noire reste obscure

Il s’agit d’un des plus grands mystères qui entourent l’Univers. Les recherches des expériences n’ont pour l’instant donné aucun résultat ; il faut dire que capturer des particules qui ne semblent pas interagir avec la matière ordinaire est loin d’être facile. L’expérience OSQAR menée au CERN est consacrée à la recherche des axions, qui sont aujourd’hui des favoris parmi les particules candidates pour la matière noire. Pour relever ce grand défi, OSQAR peut compter sur les aimants les plus puissants du monde, ceux du LHC. Dans une publication récente, la collaboration OSQAR a pu confirmer qu’aucun signal d’axion ne se détachait du bruit de fond. En d’autres termes, la chasse continue.

 

L'expérience OSQAR installée dans le hall SM18. (Photo de F. Capello)

OSQAR, une expérience de type « à travers le mur », a été officiellement lancée en 2007, dans le but de détecter des axions, c’est-à-dire des particules qui pourraient être les composants principaux de la matière noire. OSQAR utilise le puissant aimant dipolaire du LHC pour intensifier, à l’aide de forts champs magnétiques, les conversions photon-axion prédites.

 

« Selon la théorie, les axions interagissent très peu avec la matière et ne sont donc pas arrêtés par des barrières optiques, explique Andrzej Siemko, le coordinateur technique d’OSQAR. Nos dernières mesures ont montré que la résolution atteinte ne suffisait pas encore pour détecter indirectement les axions. Notre objectif pour les deux prochaines années est d’accroître la production d'axions en augmentant l’intensité de la lumière, et d’améliorer encore la sensibilité de notre système de détection. »

L’expérience OSQAR comprend deux parties : l’une consacrée à la production d’axions, et l’autre à leur détection. Il est possible de produire des axions à partir de photons générés par une source lumineuse – en l’occurrence un laser – à l'aide d'un très fort champ magnétique. Dans la seconde partie, appelée régénération, une petite quantité de ces axions est reconvertie en photons, qui peuvent être facilement détectés. « Le principe d’OSQAR est relativement simple : en envoyant un faisceau lumineux à travers l’un des côtés d'un mur, nous espérons retrouver de la lumière de l'autre côté », explique Andrzej.

« Par rapport à d’autres expériences poursuivant le même but, OSQAR peut compter sur le champ magnétique le plus puissant jamais utilisé pour ce type d'expériences. Les aimants dipolaires dernier cri du LHC – générant 9 teslas sur 14 m de longueur – sont utilisés pour les conversions photon-axion-photon dans le vide ou à l'aide d'un gaz de remplissage d’une pression donnée, qui sert de milieu d’amplification. Pour la première fois en 2010, l’expérience a utilisé deux aimants LHC alignés dans le hall SM 18 et les résultats enregistrés ont récemment été soumis pour publication. Nous avons ainsi pu améliorer la sensibilité et la résolution », ajoute Pierre Pugnat, porte-parole d'OSQAR.

OSQAR n’est pas le seul projet de recherche sur les axions au CERN ; il y a aussi le projet CAST. « Nous pouvons dire que CAST et OSQAR sont complémentaires : les deux recherchent des axions, mais selon un principe légèrement différent, explique Andrzej Siemko. Alors que CAST fonctionne un peu comme un télescope pointé vers le Soleil, tentant d'enregistrer d’hypothétiques axions dans ses réactions nucléaires, OSQAR produit lui-même des axions. » 

En dehors de la recherche des axions, les membres de la collaboration OSQAR ont d’autres objectifs ambitieux pour leur expérience. Dans les prochaines années, ils mettront à l’épreuve certaines prédictions de l’électrodynamique quantique (EDQ) – la théorie la plus précise que les physiciens aient jamais élaborée. « Dans les années 30, les scientifiques avaient prédit un très léger effet à basse énergie, lié à la diffusion lumière-lumière, l’un des processus les plus fondamentaux de l’EDQ, explique Pierre Pugnat. Personne n’a encore jamais pu mesurer directement cet effet, mais OSQAR est désormais en mesure d’atteindre la sensibilité nécessaire pour le faire pour la première fois. La physique des particules ne s’intéresse pas seulement aux hautes énergies ; il y a encore à faire dans les basses énergies ! Nous avons la possibilité de mettre à l’épreuve les théories postulées par les pères de la physique moderne, afin de tenter de les confirmer ou de les infirmer. C’est assez fascinant. »

La matière noire donne vraiment beaucoup de fil à retordre aux scientifiques et les recherches sont loin d’être terminées. Mais les chercheurs d’OSQAR sont convaincus que, si les axions existent, comme la théorie semble l’indiquer, leur expérience sera en mesure de les trouver.


Pour en savoir plus :

Site web d’OSQAR

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par Fabio Capello