Gran Sasso : un nouveau rythme pour les protons du CERN

Depuis le 21 octobre, le CERN envoie un nouveau type de faisceaux de neutrinos vers le Gran Sasso. Cette nouvelle configuration devrait permettre de mieux définir le temps de départ des neutrinos, éliminant ainsi les éventuelles erreurs systématiques susceptibles de se produire avec le mode nominal du faisceau.

 

Pour produire le faisceau CNGS (Neutrinos du CERN vers le Gran Sasso), on n’utilise plus un faisceau ayant la structure temporelle normale. Les accélérateurs du CERN produisent et envoient sur la cible en graphite un nouveau type d’impulsions de protons afin d’y créer des neutrinos. « Nous produisons maintenant des impulsions de faisceau extrêmement brèves, explique Edda Gschwendtner, la physicienne responsable du faisceau secondaire CNGS. Pendant un cycle CNGS, nous utilisons désormais un faisceau comportant un train de paquets du type LHC, avec quatre paquets d’environ 2 ns chacun. Les paquets sont espacés de 500 ns et contiennent chacun plus de 2,5 x 1011 protons, ce qui donne au total environ 1012 protons sur la cible à chaque extraction du SPS. »

À l’origine, le faisceau CNGS a été conçu de façon à produire et envoyer vers le Gran Sasso le plus grand nombre possible de neutrinos mu, et ainsi augmenter la probabilité d’observer les oscillations des neutrinos mu se transformant en neutrinos tau. Toutefois, suite à la récente mesure de la vitesse des neutrinos, il est devenu essentiel pour les expériences situées en aval de recevoir des impulsions de faisceau plus courtes afin de définir de manière plus précise le temps de départ. « Le cycle du faisceau nominal CNGS comprend deux impulsions de chacune 10,5 μs ; au total, environ 4 x 1013 protons sont envoyés sur la cible par cycle. Dans la nouvelle configuration, nous avons 40 fois moins de protons par cycle, mais répartis en quatre impulsions beaucoup plus courtes. Grâce aux très grands efforts de nombreux spécialistes des accélérateurs et à l’expérience acquise avec le faisceau du LHC, nous avons pu concevoir ce faisceau de protons spécial et l’envoyer sur la cible du CNGS », souligne la physicienne.

« Cette configuration de faisceau permet aux expériences de mettre en correspondance chaque événement neutrino avec l’impulsion de protons qui l'a produit. De cette manière, nous pouvons obtenir une signifiance statistique du résultat comparable à celle déjà obtenue par OPERA, avec cent fois moins d’événements, explique Sergio Bertolucci, directeur de la recherche et de l’informatique au CERN. En outre, plusieurs, voire tous les détails possibles de la production de neutrinos pendant le déversement, comme la distribution d’énergie, le taux de production, etc, perdent toute importance. Cela permet aux expériences d’éliminer une source majeure d’erreur systématique. »

Les équipes d’expérimentateurs au Gran Sasso accumulent actuellement des données en utilisant le faisceau issu des brèves rafales de protons. Cette exploitation technique 2011 permettra, dans le peu de temps disponible, de tester ce nouveau mode d’exploitation. Cela permettra également d’évaluer les bénéfices d’une éventuelle exploitation spéciale avec des déversements de protons brefs en 2012, lorsque les quatre grandes expériences du Gran Sasso (BOREXINO, ICARUS, LVD et OPERA) seront à même de mesurer de manière indépendante le temps de vol des neutrinos.

Ce mode d’exploitation du faisceau CNGS sera maintenu jusqu’au 7 novembre. Un bref arrêt technique suivra, et ce jusqu’au 11 novembre.

par CERN Bulletin