Facteur (g-2) du muon : toujours un écart

Cela fait maintenant un demi-siècle que le facteur (g-2) du muon a été mesuré pour la première fois par un petit groupe du CERN. Depuis, plusieurs autres expériences ont pris la relève. Les dernières mesures réalisées à Brookhaven en 2004 continuent de donner une valeur qui diffère par 3 écarts-types environ de celle prédite par le Modèle standard. Pour Francis Farley, l’un des pères des expériences (g-2), l’affirmation : « tout ce que nous observons est expliqué dans le Modèle standard » n’est pas acceptable.

 

Francis J. M. Farley.

Francis J. M. Farley, membre de la Royal Society (l’Académie des sciences britannique) depuis 1972 et lauréat en 1980 de la Médaille Hughes « pour ses mesures ultra-précises du moment magnétique du muon, un test rigoureux de l’électrodynamique quantique et de la nature du muon », fait partie des scientifiques qui considèrent toujours l’anomalie (g-2) comme l’une des premières indications d’une nouvelle physique. « S’il est généralement admis que toutes les expériences sont en accord avec le Modèle standard, il n’en reste pas moins que la théorie ne peut toujours pas expliquer la valeur (g-2) du muon. Les résultats expérimentaux les plus récents ont été publiés en 2004 par une expérience du Laboratoire national de Brookhaven. Il apparaît très clairement au terme de trois séries de mesures pratiquement indépendantes, étudiant μ+ et μ-, et d’analyses à l’aveugle concordant bien les unes avec les autres, que les valeurs obtenues sont toutes nettement supérieures à la valeur théorique. Depuis, nombre de théoriciens ont travaillé sans relâche pour que la théorie cadre avec l’expérience, mais aucun n’y est encore parvenu. La déviation par rapport à la valeur théorique est toujours de l’ordre de 3 écarts-types ou plus. Si les théoriciens sont de plus en plus confiants dans leur valeur du Modèle standard, aucune erreur commune à toutes les expériences expliquant cet écart n’a pour l’instant été trouvée », indique Francis Farley.

« g » est une quantité sans dimension liée aux propriétés magnétiques d’une particule. Si l’on suppose que le muon obéit aux équations les plus simples de la mécanique quantique, alors g devrait être exactement égal à 2. Il faut toutefois tenir compte des fluctuations quantiques liées au champ électromagnétique entourant le muon, qui sont définies par les règles de la théorie bien établie de l'électrodynamique quantique dans le cadre du Modèle standard, et qui augmentent cette valeur d’environ 1/800. Ces effets quantiques incluent des fluctuations rares impliquant des états à pions virtuels, des mésons vecteurs en interaction forte, des bosons de l’interaction faible et, peut-être, d’autres particules encore inconnues. « En mesurant le facteur (g-2) du muon, nous souhaitons essentiellement vérifier si les particules connues jouent bien le rôle qu’on leur a prédit ou s’il reste encore quelque chose à découvrir, précise Francis Farley. La mesure de (g-2) du muon faite par Brookhaven constitue donc la première indication d’une physique au-delà du Modèle standard. Cependant, elle ne nous dit pas laquelle des nombreuses spéculations est correcte. »

L’énigme n’est pas encore résolue. « Un jour, espère Francis Farley, une nouvelle théorie verra le jour et notre valeur pourra être expliquée. »

par Antonella Del Rosso