Opération à cœur ouvert au LHC

Le 17 janvier dernier, une course contre la montre s’est engagée dans la caverne de CMS. Pour remplacer une pièce du LHC qui était défectueuse, les membres du groupe Vide, surfaces et revêtements (VSC), en collaboration avec l’équipe de l’expérience CMS, ont dû extraire, puis remettre en place un morceau de chambre à vide de 2 mètres de long. En 1 heure.

 

Au début de l'arrêt technique hivernal du LHC, une radiographie a été réalisée pour vérifier la position des doigts RF au point 5. La radio du haut a permis de confirmer que les doigts RF (dans le cercle rouge) n'étaient pas dans la bonne position, contrairement à l'image du bas.

Si le vide n’est pas assez vide, la pression monte, et les ennuis commencent. Dans le LHC, la pression idéale se situe autour de 10-10 mbar. Passée cette limite, le « bruit » - entendez les interférences générées par le gaz résiduel présent dans la machine - compromet les mesures de physique.

Or, au début de l’été 2011, une pression 100 fois plus élevée que cette pression idéale a été relevée et ce, à quelques mètres à peine du point d’interaction de CMS, au niveau de la connexion de deux chambres à vide.

Quand le dehors se retrouve dedans

Parmi diverses hypothèses, celle des doigts radiofréquence (RF) défaillants a particulièrement retenu l’attention. Ceux-ci sont conçus pour assurer la continuité électrique entre deux sections de chambre à vide, tout en permettant de coulisser entre eux au gré des contractions et dilatations thermiques. Si l’un des doigts est déformé et perd le contact avec la chambre à vide adjacente, la connexion électrique n’est plus parfaite, ce qui peut engendrer un échauffement. Du gaz risque alors de se dégager à l’intérieur de la chambre à vide, provoquant des pics de pression, et c’est justement ce qui a été observé.

Dès le début de l’arrêt technique hivernal du LHC, une radiographie de cette partie de l’accélérateur a donc été réalisée, confirmant l’hypothèse : les doigts RF, censés être autour de la chambre à vide attenante, avaient glissé à l’intérieur de celle-ci (voir les photos ci-dessous).

Après vérification, il est apparu que la distance séparant les deux sections de chambre à vide était trop importante. Les premières études indiquent que des équipements se sont déplacés de quelques millimètres depuis l’installation du LHC. Du coup, on peut imaginer que lors d’un mouvement, les chambres à vide se soient éloignées jusqu’à pratiquement perdre le contact. C’est alors que le dehors s’est retrouvé dedans.

On ouvre !


La photo du haut montre que les doigts RF sont à l'intérieur de la chambre à vide adjacente, alors qu'ils devraient être positionnés à l'extérieur, comme sur la photo du bas.

Si l’énigme était résolue, le problème, lui, ne l’était pas. Après plusieurs échanges avec l’équipe de CMS, il a été décidé d’intervenir, mais cette opération nécessitait de retirer un morceau de chambre à vide de 2 mètres de long ! Évidemment, sans compromettre la qualité du vide du reste de l’expérience. Montre en main, car un élément relativement radioactif se trouvait à proximité. Le tout, en étant installé sur un échafaudage à environ 10 mètres du sol de la caverne de CMS.

Le 17 janvier, plusieurs sections du groupe VSC et les collaborateurs de l’expérience CMS ont donc uni leurs forces pour mener à bien l’intervention. C’était un défi pour cette équipe, car il s’agissait de retirer pour la première fois un morceau de 2 mètres et ce, au cœur même d’une expérience de physique des particules !

Et quant à la question du vide, une réponse déjà bien rodée a pu être apportée, car cette technique avait déjà été appliquée dans le LHC. Pendant cette intervention, du néon a été injecté en continu dans les chambres à vide adjacentes restées en place. Insufflé aux extrémités opposées à la zone d’intervention, le néon, en se déplaçant de l’intérieur du tube vers l’extérieur (la caverne), fait barrière à l’air ambiant, l’empêchant de pénétrer dans les chambres à vide. Ce gaz rare, contrairement à l’air ambiant, n’altère pas le revêtement à l’intérieur des chambres à vide, et ne compromet donc pas la vitesse de pompage.

Après à peine 1 heure, le patient a pu être refermé. L’opération s’est parfaitement déroulée, ce qui a été confirmé par une nouvelle radiographie. Vincent Baglin, membre du groupe VSC, a tenu à souligner l’extraordinaire engagement et la qualité du travail de tous les intervenants.

par Anaïs Schaeffer