Un festival de physique en juin

Cette semaine a eu lieu l’édition 2012 de la conférence « La physique au LHC » (PLHC 2012), dernière conférence de physique des particules avant l’ICHEP, la rencontre majeure de notre discipline cette année. Alors que, à l’ICHEP, nous pourrons nous pencher sur les premiers résultats des analyses des données 2012, PLHC a été l’occasion de regarder l’énorme masse de physique déjà extraite des données de l’année dernière. Qu’il s’agisse de nouvelles mesures de la physique connue à une précision inédite, ou des premières observations de nouvelles particules composites, la richesse et la portée de toute la physique présentée à Vancouver sont impressionnantes.

 

Toutefois, même si le LHC est au centre de l’attention, il est important de se souvenir que notre installation phare n'est pas la seule à attirer les regards. La semaine prochaine, Fermilab célébrera le parcours remarquable du Tevatron, machine qui a été la figure de proue de notre discipline pendant un quart de siècle, et dont les données continuent à apporter des résultats intéressants un an après l’extraction des derniers faisceaux. J’aurai l’honneur de représenter le CERN lors de cette célébration, et ce sera pour moi l’occasion d’évoquer de nombreux souvenirs qui témoignent de la collaboration de longue date entre nos laboratoires.

Une autre date importante pour la physique des particules en juin est la conférence sur les neutrinos, tenue cette semaine à Kyoto, qui est venue clore l’interrogation qui avait surgi concernant le temps que prennent les neutrinos pour effectuer le trajet entre le CERN et le laboratoire du Gran Sasso. Cet épisode a constitué un chapitre intéressant de notre histoire, et il a révélé, sous bien des aspects, ce que la méthode scientifique a de plus grand. Quand l’expérience OPERA a trouvé une mesure qu’elle ne pouvait expliquer, il n’y a eu aucune hésitation à la soumettre à un examen plus approfondi. La collaboration n’a eu aucune prétention extravagante, elle a simplement exprimé le désir de comprendre la mesure. En réponse à cet appel, les physiciens des particules ont fait ce qu’ils savent faire le mieux :  travailler en collaboration.

À Kyoto, quatre expériences du Gran Sasso et une de Fermilab ont présenté leurs résultats, qui montrent tous, sans ambiguïté, que les neutrinos respectent bien la limite de vitesse cosmique posée par Einstein. Cette affaire a été très médiatisée, la plupart du temps pour de bonnes raisons. Le public s’intéresse à la science, et à la façon dont elle opère. Grâce à cet épisode, chacun a pu suivre le processus de la recherche scientifique dans tous ses détails, et, selon les mots du journal Le Monde, l'affaire a été une illustration de ce qu’est « le doute scientifique, une attitude exemplaire ». Il a aussi été question à Kyoto d’un autre événement : l’expérience OPERA a présenté des indices de l’apparition d’un deuxième neutrino tau dans le faisceau de neutrinos mu du CERN. Il s’agit là d’une étape importante dans la compréhension de ce phénomène fascinant qu’est l’oscillation du neutrino.

Dans l’attente de l’ICHEP et des rencontres qui suivront, nous pouvons espérer des avancées en vue d’une nouvelle physique, et apprendre bien d’autres faits révélant la nature de la méthode scientifique : celle-ci consiste à progresser par des analyses minutieuses, appuyées sur des faits et menées avec un esprit critique, la collaboration et l’émulation entre les équipes conduisant à des résultats corroborés. Cette méthodologie est, sans aucun doute, une des grandes inventions de l’humanité.

Rolf Heuer