Dernières nouvelles du LHC : place au plomb

Le 4 novembre, l’exploitation avec protons de 2015, semée d’embûches, prenait fin, et les nombreuses équipes travaillant sur le LHC et sa chaîne d’injecteurs auraient aimé avoir droit à une période plus calme, avant la pause de fin d’année bien méritée. Mais les choses ne se sont pas passées comme ça...    

 

L'équipe du CCC après la déclaration de faisceaux d'ions lourds stables dans le LHC.

Au contraire, la frénésie de la préparation des accélérateurs à l’exploitation pour la physique a recommencé, cette fois pour des faisceaux d’ions lourds, et avec des contraintes encore plus strictes en ce qui concerne les délais. La première semaine du mois d’exploitation de cette année a été consacrée aux collisions de protons à 2,51 TeV par faisceau, lesquelles ont fourni des données de référence pour les futures collisions de noyaux de plomb (le numéro atomique du plomb étant Z=82, contre Z=1 pour les protons), à l’énergie sans précédent de 5,02 TeV dans le centre de masse pour chaque paire de nucléons. 

La chaîne d’injecteurs spécialement adaptés aux ions lourds, qui comprend la source d’ions ECR, le Linac 3 et l’anneau LEIR, avec son système élaboré de formation de paquets et de refroidissement, a été remise en service afin de fournir, pendant les semaines qui ont précédé, des paquets de plomb intenses et denses. Grâce à une série d’exercices radiofréquence extrêmement précis, le PS et le SPS ont assemblé ceux-ci en trains de 24 paquets pour leur injection dans le LHC. L’intensité de faisceau fournie par les injecteurs est un facteur déterminant pour la luminosité du collisionneur.

Il a fallu concilier dans le LHC la mise en service du cycle de protons à 2,51 TeV avec celle de la nouvelle optique pour les ions lourds à une nouvelle énergie, ce qui a demandé d’effectuer sur le moment de nombreux ajustements du calendrier, ainsi que de mobiliser au CCC des équipes spécialisées dans des délais très courts. Outre le changement d’énergie général pour l’optique adoptée pour les protons à 6,5 TeV, il a fallu procéder à une compression supplémentaire des faisceaux et à des manipulations des angles de croisement et de la position du point d’interaction pour l’expérience ALICE. Les équipes chargées des mesures et des corrections de l’optique ont travaillé rapidement, ce qui a permis de mettre en place de A à Z le nouveau cycle magnétique d’ions lourds (en utilisant des faisceaux de protons) pendant le week-end des 14-15 novembre. Les membres de l’équipe chargée de la collimation ont également passé de nombreuses heures à effectuer des mesures minutieuses de l’ouverture. À chaque étape de ces travaux, il est crucial de tenir compte des exigences strictes de protection de la machine.  

Les premiers faisceaux d’ions plomb ont été injectés le lundi 16 novembre au soir, et des collisions ont eu lieu dans les quatre expériences dix heures plus tard, à l’aube, sous la direction d’une équipe n’ayant pas fermé l’œil.  

L’exploitation avec protons, servant de référence, a repris le mardi soir. Après une interruption perturbante, l’objectif de luminosité fixé a été largement atteint dimanche matin, et la mise en service avec ions a repris avec de nouvelles mesures de l’ouverture et avec le processus de vérification du dispositif, au moyen de « cartographies de pertes de faisceau », afin de confirmer que les faisceaux de particules perdus arrivaient là où ils pourraient causer le moins de dommages. Les faisceaux d’ions sont très différents de ceux de protons, car les noyaux d’ions peuvent se fragmenter de nombreuses manières quand ils interagissent avec les collimateurs. Un avant-dernier changement de type de particule a fourni aux expériences, pendant la nuit, des données de référence supplémentaires sur les protons.

Enfin, le 23 novembre, les ions plomb ont eu le LHC pour eux tout seuls et la mise en service a repris avec l’ajustement des systèmes d’injection, de radiofréquence et de rétroaction, et de nombreuses autres cartographies de pertes de faisceau.

Des faisceaux de dix paquets ont finalement été déclarés stables pour la physique le 25 novembre, à 10 h 59, et des enregistrements d’événements spectaculaires ont commencé à arriver des expériences. Des remplissages supplémentaires devraient porter le nombre de paquets à plus de 400.

Les semaines restantes de cette exploitation continueront d’être bien remplies, avec une production pour la physique entrecoupée de remplissages du four de la source d’ions, de balayages van der Meer, d’inversements de la polarité des solénoïdes et d’études des phénomènes susceptibles d’entraver la performance dans le futur. Il s’agit notamment de tests des niveaux de transitions résistives des aimants avec pertes de collimation et de l’usage de cristaux en tant que collimateurs. Nous prévoyons aussi de tester des stratégies pour exercer un contrôle sur les faisceaux secondaires émergeant du point de collision suite à des interactions ultrapériphériques (« quasi-collisions »).     

par John Jowett for the LHC team