FlashForward : avant la série, le livre

Après les mini-trous noirs qui engloutiraient le monde, les strangelets qui provoqueraient une accrétion de matière étrange et la bombe d’antimatière censée rayer le Vatican de la carte, vous pensiez avoir tout entendu sur les scénarios apocalyptiques que pourrait causer le LHC ? C’est que vous ne connaissez pas le dernier en date : et si le LHC propulsait la conscience de l’humanité entière 21 ans dans le futur ? C’est l’intrigue du roman de science-fiction de Robert Sawyer, FlashForward, qui est actuellement adapté pour devenir une série-télé à gros budget. Le Bulletin a rencontré l’auteur pour en savoir plus.



Le LHC est sur le point de démarrer avec des ions de plomb. Tous les habitants de la planète perdent soudainement connaissance pendant 1 minute et 43 secondes, chacun ayant un aperçu de ce que sera sa vie dans 21 ans. Le réveil dans le présent laisse place au chaos et les humains commencent à méditer sur ce qu’ils ont vu…

Ainsi commence le roman de science-fiction de Robert Sawyer intitulé FlashForward. Publiée pour la première fois en 1999, l’histoire se déroule au CERN en 2009. « Depuis le début, mon choix s’était porté sur le CERN, explique R. Sawyer. Je savais que le Grand collisionneur de hadrons était en construction, qu’il serait l’accélérateur de particules le plus puissant de tous les temps et que son démarrage était prévu pour 2009. Pour que l’histoire fonctionne, je cherchais un moyen de projeter les consciences dans l’avenir. Ce devait être une création de l’homme, pas un phénomène naturel. Les expériences de physique des particules des hautes énergies que mène le CERN m’ont semblé idéales.»

À la différence d’autres histoires se déroulant au CERN, FlashForward comporte des descriptions très précises (plus ou moins proches de la réalité) des installations du Laboratoire et des environs. « Je dois avouer que j’ai été légèrement déçu quand j’ai appris que Dan Brown avait lui aussi choisi de faire se dérouler au CERN son roman Anges et démons, admet R. Sawyer. Mais, honnêtement, je pense avoir beaucoup mieux exploité les possibilités qu’offre le Laboratoire. »

R. Sawyer aime situer ses intrigues dans des institutions scientifiques existant réellement, comme l’Observatoire des neutrinos de Sudbury, au Canada, ou le Laboratoire national Lawrence de Berkeley, en Californie, et les scientifiques y occupent souvent le devant de la scène. Comme il l’explique: « Je trouve que c’est un bon moyen d’ancrer mes romans de science-fiction dans la réalité. Les gens confondent souvent science-fiction et fantastique. La science-fiction, ce n’est pas que des histoires inventées de toutes pièces et qui ne tiennent pas debout. Au contraire, des raisonnements logiques y sont poussés à l’extrême : on extrapole des scénarios sur ce qui pourrait arriver à partir de ce que l’on connaît déjà.

Son roman connaît un regain de succès depuis que la chaîne de télévision ABC en a tiré une série télévisée à gros budget, dont le lancement a eu lieu le 24 septembre. Cette série, dont les producteurs sont les mêmes que pour Lost, gardera le titre original FlashForward, même si l’histoire s’éloigne quelque peu de celle du roman. Ainsi, l’action ne se déroule plus au CERN et les agents du FBI ont volé la vedette aux scientifiques. Même si R. Sawyer ne tient pas à faire de révélations sur la série, il nous l’assure : FlashForward n’a pas vendu totalement son âme. « Les studios ABC tiennent beaucoup à ce que le mystère plane sur ce qui va arriver dans la série. Cela dit, je suis conseiller créatif sur ce projet et il est prévu que j’écrive le scénario de l’un des premiers épisodes. Et David Goyer, qui dirige l’équipe chargée de l’adaptation, a une grande culture scientifique. On peut donc être sûr que, quelque soit l’issue de la série, les téléspectateurs qui ont certaines connaissances scientifiques ne lèveront pas les yeux au ciel. »

Si, dans la série, la cause de cette perte de conscience prémonitoire qui touche la planète est un secret jalousement gardé, dans le roman, en revanche, l’évènement coïncide avec le démarrage du LHC. Mais par quel miracle le LHC pourrait-il nous faire voyager dans le temps ? « Le roman part du postulat que le principe d’exclusion de Pauli – selon lequel les fermions (tels que les électrons, les protons ou les neutrons) ne peuvent pas se trouver au même endroit dans le même état quantique – s’applique aussi à la notion de « maintenant ». Autrement dit, deux « maintenant » ne peuvent coexister simultanément et un état de conscience qui a été déplacé ne peut prendre place que dans un espace-temps qui a été laissé vide, et qui est donc dépourvu de conscience», explique-t-il.

Bien que l’astuce trouvée par R. Sawyer pour justifier la perte de connaissance qui frappe la planète n’a aucun rapport avec ce que le LHC peut vraiment faire (lisez ou regardez l’entretien de John Ellis sur la science derrière le roman), l’auteur n’avait en rien l’intention de monter de toutes pièces un nouveau récit-catastrophe remettant en cause la sécurité du LHC. Et il souligne : « FlashForward a été publié pour la première fois en 1999, bien avant que commencent à circuler toutes ces histoires à dormir debout sur le LHC qui pourrait créer un trou noir ou détruire la planète. Si j’avais su qu’il y aurait eu un tel battage médiatique, j’aurais peut-être décidé de situer mon roman ailleurs ! Ceci dit, jamais autant de personnes n’ont autant parlé de la physique des particules et des accélérateurs. Je suppose que c’est une bonne chose. D’ailleurs, qui aurait pu imaginer qu’une machine aussi bizarre que celle qui a été conçue pour trouver le boson de Higgs puisse se retrouver à la une des journaux du monde entier ? »

R. Sawyer sera-t-il celui par qui le nouveau scandale arrive ? Qui sait? Si seulement nous avions une machine à voyager dans le temps qui nous permette de connaître la réponse…

Mathew Stracy,

Bulletin CERN

Informations complémentaires :

Pour en savoir plus sur R. Sawyer et son roman, consultez son site web :

http://sfwriter.com/

L’intégralité de l’entretien avec Robert Sawyer est disponible à l’adresse :

http://flashforward.web.cern.ch/flashforward/

Regardez également l'entretien vidéo suivant:

Regardez l’entretien vidéo avec John Ellis, du groupe Théorie du CERN :

Pour avoir un avant-goût de la série et des informations supplémentaires, visitez le site des séries ABC

http://beta.abc.go.com/shows/flash-forward/