Auteurs ou signataires ?

Traditionnellement, les publications scientifiques font figurer la liste des personnes qui ont participé à leur rédaction : la liste d’auteurs. Depuis quelques années, une autre liste a fait son apparition : celle des signataires, utilisée notamment pour les projets TESLA et SuperB, et, prochainement, pour le CLIC. Qu’est-ce qui distingue ces deux listes ?

 

La semaine prochaine sera publié le rapport préliminaire de conception (CDR) pour la physique et les détecteurs du projet CLIC (CLIC Physics and Detectors). Ce rapport fera mention en couverture d'une liste de plus de mille signataires. Un volume présentant l’accélérateur CLIC suivra peu après. Le projet CLIC (Compact Linear Collider) est une étude internationale portant sur la faisabilité d’une future installation de recherche en physique des particules, et constitue l’une des options possibles à l’étude pour la période post-LHC. Laisser ouvertes des possibilités pour l’avenir a toujours été dans l’ordre naturel des choses en physique des particules : plusieurs technologies sont étudiées et développées en parallèle, de sorte que, au moment où les résultats livrés par les installations en exploitation montrent la voie à suivre, la communauté soit en mesure de choisir la meilleure option pour la physique et de faire le meilleur usage des ressources disponibles.

« Mener des travaux de R&D à long terme est essentiel en physique des particules, explique Steinar Stapnes, responsable de l’étude pour le collisionneur linéaire au CERN. Le projet CLIC est l’un des résultats des efforts déployés à l’échelle mondiale en vue de définir des options possibles pour l’avenir. Parmi ces options figurent un relèvement de l’énergie du LHC, un collisionneur linéaire supraconducteur et le CLIC. Nous sommes convaincus que le fait de disposer de ces options comme des solutions pouvant réellement être mises en œuvre est vraiment essentiel. »

À l’instar de nombreux documents formels, un rapport préliminaire de conception est en principe rédigé et signé par un ensemble de personnes. Mais il n’est pas forcément évident de déterminer qui doit figurer sur la liste des auteurs. Si la tâche est relativement aisée pour les différents types de rapports de conception établis par des collaborations formelles, comme les expériences LHC, il en va autrement des projets TESLA, SuperB, et, à présent, CLIC Physics and Detectors, pour lesquels la structure de collaboration n’est pas encore bien définie. De plus, les études relatives à ces projets ont été réalisées sur une longue période, et, parfois, conjointement à d'autres projets dans le monde présentant des difficultés techniques communes ; définir une liste d'auteurs à jour et représentative est donc quasiment impossible dans ce cas.

La solution adoptée pour l’étude sur le collisionneur linéaire TESLA, dirigée par le laboratoire DESY, consistait à inviter toute personne soutenant le projet à apporter sa signature, et c’est l’approche qui a également été retenue pour l’étude sur le CLIC, dans le cadre du rapport préliminaire de conception sur la physique et les détecteurs, un document élaboré par des sources très diverses et reposant sur les travaux menés sur plusieurs décennies par des scientifiques du monde entier. Dans le cas du rapport préliminaire de conception du CLIC, le processus a été lancé en septembre 2011 et présenté lors de l’atelier sur le collisionneur linéaire, qui s’est tenu à Grenade, en octobre dernier. Le fait de signer ce rapport indique que l’on soutient le projet CLIC en tant que l’une des options possibles pour l’avenir de la physique des particules.

Toutefois, cette approche pose certaines difficultés : les responsabilités sont moins faciles à déterminer ; les contributions majeures doivent être publiées également dans d’autres sources, pour que leurs auteurs soient reconnus, et il est important d’éviter que les listes de signataires ne laissent penser que les projets sont en concurrence.

« Les listes de signataires doivent être utilisées seulement lorsque les autres solutions ne sont pas adaptées, par exemple dans le cas de projets mondiaux à très long terme qui présentent des recoupements avec d’autres projets, explique Lucie Linssen, responsable au CERN du projet Détecteurs pour le collisionneur linéaire. Le fait d’apporter sa signature doit être considéré comme une approche inclusive ; cela n’exclut pas que l’on donne son appui à d’autres options également. Il s’agit d’un moyen d’exprimer son soutien à l’élaboration d’options ayant pour but d’explorer la physique à la frontière des hautes énergies. »

par James Gillies