Le plomb s'invite au LHC

Trois des expériences du LHC - ALICE, ATLAS et CMS - étudieront les collisions d'ions lourds à venir. Étant donné les excellents résultats de la courte période d'exploitation avec ions lourds de l'année dernière, les attentes sont encore plus grandes cette année dans les centres de contrôle des expériences. Ils nous présentent leurs plans :

 

ALICE

Pour la campagne de collisions d’ions lourds qui s’annonce, le programme de physique d’ALICE tirera parti de l’augmentation notable de la luminosité du LHC par rapport à la précédente exploitation avec ions lourds qui a eu lieu l’année dernière.  L’accent sera mis sur l'acquisition de signaux rares au moyen de la mise en œuvre de systèmes de déclenchements sélectifs. C’est un mode de fonctionnement différent de celui utilisé lors de la première campagne de collisions d’ions lourds à faible luminosité opérée en 2010, lorsque seuls des événements sélectionnés par un déclenchement à biais minimum étaient recueillis. De plus, ALICE bénéficiera d’une couverture d’acceptance accrue par le calorimètre électromagnétique et le détecteur à rayonnement de transition. Afin de doubler la quantité d’événements enregistrés, ALICE exploitera toute la bande passante disponible, soit 4 Go/s, pour un stockage de masse, ainsi qu’un nouvel algorithme de compression des événements qui opérera sur la ferme de PC pour le déclenchement de haut niveau (HLT). Les données 2011 permettront à ALICE d’étendre les possibilités de physique concernant les particules identifiées, les quarkoniums, les saveurs lourdes, les jets et les photons, grâce aux mesures correspondant à des statistiques largement accrues et à un domaine en impulsion transversale plus étendu.

Dans l’attente d’une future campagne proton-ion, le LHC effectuera des études de faisabilité juste avant le démarrage de la campagne de collisions d'ions lourds. Les mesures de collisions proton-noyau constituent un élément essentiel du programme scientifique d’ALICE. D’un côté, ces mesures permettront de mieux comprendre la structure de la voie d’entrée qui conduit, dans les collisions noyau-noyau, à la formation de matière nucléaire chaude et dense. D’un autre côté, ils permettront de distinguer les effets liés à la matière nucléaire froide de ceux liés à la matière nucléaire chaude sur les observables pertinentes qui donneront des informations sur les propriétés du plasma quarks-gluons.

Yves Schutz et Despina Hatzifotiadou

 

ATLAS

Il y a moins d'un an, personne ne savait ce que les collisions plomb-plomb aux énergies du LHC permettraient de découvrir. Cependant, d'après les données recueillies en 2010, ATLAS a fourni les premières preuves directes d'une suppression de jets, et a mesuré une suppression des particules J/psi. Nous avons également relevé l'absence apparente d'effets similaires en ce qui concerne la production de particules Z et W et conduit des recherches poussées sur le flux de particules et les corrélations de deux particules.

Grâce aux nouvelles données de 2011 concernant les collisions plomb-plomb, nous pouvons définir avec précision l'asymétrie di-jet, qui a été le premier signe d'une suppression de jets ; et les événements présentant un jet unique équilibré par un photon énergétique peuvent être utilisés pour obtenir de nouvelles informations. Nous pourrons également trouver des réponses à bien d'autres interrogations, notamment sur le comportement des particules Z et W dans le plasma chaud et dense de quarks et de gluons.

Cette année, le LHC propose encore une nouvelle possibilité : les collisions proton-ion.  Même si l'activité de cette année consiste en un test de faisabilité concernant l'accélérateur, ATLAS reste optimiste et espère obtenir un premier échantillon de collisions proton-ion. Les propriétés de base de telles collisions à ces niveaux d'énergie restent pour l'instant inconnues mais elles peuvent être établies à partir de quelques cycles de collisions seulement.

Nous nous réjouissons tous de pouvoir nous lancer dans de tels projets !

Will Brooks and Sasha Milov
Responsables Ions lourds ATLAS

 

CMS

À CMS, nous attendons avec impatience le démarrage de la nouvelle exploitation avec ions lourds. Tous les travaux préparatoires en vue de la nouvelle phase de collecte de données ont été achevés avec succès. La courte période de collisions plomb-plomb en 2010 ayant permis d'obtenir une énorme quantité de résultats, nous attend beaucoup de l'exploitation à venir. Les équipes chargées de l’exploitation de la machine promettent une augmentation du taux de collecte des données d’un facteur dix au moins, ce qui serait fantastique. En enregistrant de nouveaux signaux clairs, tels que des photons allant dans la direction opposée à celle des jets, nous pourrons étudier très finement le phénomène remarquable associé à la suppression des jets dans le nouvel état de la matière produit lors des collisions plomb-plomb. Nous produirons un grand nombre de bosons vecteurs de la force électrofaible (W et Z), afin d’effectuer des mesures de précision qui pourraient remettre en cause les prédictions des modèles actuels. Il sera possible d’étudier de façon plus détaillée la suppression des états excités de la résonance upsilon, dont l’apparition dans les données de 2010 a été l’un des résultats majeurs de l’année. Grâce à d’abondantes statistiques, il sera possible de caractériser avec une extrême précision les propriétés du fluide produit dans les collisions d’ions lourds de centralité élevée.

Enfin, le cycle d’exploitation pilote de collisions proton-ion actuellement planifié sera, on l’espère, une étape importante en vue du programme de physique passionnant qui nous attend en 2012.  

Guido Tonelli